COMMANDEMENT (SYSTÈMES DE)

COMMANDEMENT (SYSTÈMES DE)
COMMANDEMENT (SYSTÈMES DE)

Les systèmes de commandement sont des systèmes informatiques mis à la disposition des états-majors pour les aider à remplir leur mission. Ils sont, dans le domaine militaire, l’analogue des systèmes de gestion informatisés des entreprises. Pour bien comprendre leur fonction, il faut considérer qu’une armée est, à sa manière, une grande firme. En effet, elle dispose d’une variété considérable de moyens; matériels militaires proprement dits, mais aussi stocks de carburants, de munitions, de vivres, ateliers de réparation, véhicules de transport, réseau de télécommunications...

Comment pourrait-elle espérer mettre en œuvre tout cela, dans les conditions difficiles du combat, sans l’aide de systèmes informatiques performants?

Dans les entreprises, les systèmes de gestion informatisés se développent en respectant l’organisation en place, c’est-à-dire la structure hiérarchique. Les rôles de directeur technique, industriel, commercial ou financier n’ont pas de raison d’être modifiés par l’introduction de ces nouveaux moyens qui ont seulement pour objectif de faciliter le travail de leurs services. De même, dans les armées, les systèmes de commandement ne remettent pas en cause les responsabilités des différents bureaux des états-majors ni la structure hiérarchique des unités. Ils permettent seulement aux responsables d’agir plus efficacement.

Ces systèmes sont souvent figurés sous la désignation américaine de C 3 ou C 3 I (Communication, Command and Control , le I parfois ajouté étant mis pour Intelligence , qui, dans le vocabulaire militaire, se traduit par renseignement).

Pour analyser leur constitution, on distingue trois fonctions techniques principales présentes à des degrés divers dans toutes les cellules d’un poste de commandement: le traitement des informations, l’aide à la décision, l’acheminement des messages sortants et la réception des comptes rendus. Les différents systèmes de commandement doivent pouvoir communiquer entre eux. Lorsque ces liaisons s’effectuent directement d’un centre informatique à un autre par transmission de données, on dit que les systèmes sont interopérables. À première vue, cette notion d’interopérabilité semble être à la fois nécessaire et relativement simple à réaliser. En réalité, la définition même du contenu des messages à échanger entre des équipements très diversifiés est très difficile.

1. Le traitement des informations

Une autorité reçoit en permanence un flot important d’informations. Celles-ci peuvent être, à l’état brut, issues d’une unité élémentaire comme un radar, un drone (petit avion télécommandé), ou au contraire résulter d’un premier travail de synthèse effectué à un niveau inférieur. Ces renseignements sont naturellement incomplets et parfois inexacts, notamment lorsqu’ils se rapportent à l’ennemi et à ses intentions supposées. La première tâche d’un système de commandement est alors de trier les informations reçues, puis de les ranger dans des bases de données. Il est ensuite nécessaire de les corréler entre elles.

Cela permet d’établir des synthèses qui sont incorporées ensuite à la base de données. Cette étape de traitement nécessite l’intervention d’un responsable dont le rôle est de superviser la façon dont les agrégats doivent être constitués, mais aussi de détecter les anomalies ou faits mineurs qui pourraient révéler une erreur grave d’interprétation des données précédemment collectées. Seules les synthèses correspondant au degré de détail requis sont transmises aux officiers d’état-major. Le mode de présentation de celles-ci revêt une grande importance. Il peut arriver qu’un tableau de chiffres suffise. Souvent des visualisations graphiques complexes sont nécessaires. Toutes les possibilités offertes par la technique sont exploitées, consoles graphiques couleur, projection sur grand écran, tables tactiques, superposition de fonds de cartes aux images synthétiques.

L’idéal serait de pouvoir afficher immédiatement autant d’informations, sinon plus, qu’une carte renseignée peut en contenir.

2. L’aide à la décision

Il y a bien longtemps que personne ne craint plus que l’ordinateur se substitue au chef et le remplace dans sa fonction essentielle. Par contre, l’informatique symbolique, plus connue sous le nom d’intelligence artificielle, peut apporter beaucoup à la préparation des décisions. Les programmes experts, en mettant l’expérience des officiers d’état-major sous forme de règles simples et facilement modifiables, peuvent proposer aux décideurs, parmi toutes les actions possibles, celles qui semblent présenter la meilleure efficacité. La théorie des jeux permettra de trouver le comportement optimal dans une situation donnée. Enfin des petites simulations prenant en compte les réactions de l’ennemi pourront être faites pour conforter les décisions prises. Sans aller jusqu’à imaginer qu’un jour les conflits armés seront remplacés par un duel d’ordinateurs qui permettra de désigner le vainqueur avant même le début des hostilités, il est raisonnable de penser que l’efficacité des états-majors sera grandement améliorée par l’emploi de moyens informatiques de plus en plus performants.

3. Les communications

Le fonctionnement d’un système de commandement n’est possible que s’il s’appuie sur un réseau de télécommunications sûr et performant. C’est pour cela que l’armée de terre a mis en service un réseau très novateur, le R.I.T.A. (Réseau intégré de transmission automatique de l’armée de terre). Il est en effet essentiel de collecter sans retard les informations brutes recueillies par les unités et par les différents moyens de détection. Il est aussi important de transmettre les ordres dès que les décisions sont prises. Ne considérer que cet aspect du problème serait toutefois insuffisant. Il suffit d’avoir lu un message militaire avec sa liste de destinataires pour action et pour information pour se rendre compte que la fonction de communication est beaucoup plus complexe. Il faut faire en sorte que les renseignements utiles et seulement ceux-ci se trouvent au bon endroit au bon moment. Cela est d’autant plus difficile à réaliser que les systèmes de commandement sont le plus souvent répartis entre plusieurs lieux, chaque poste de commandement actif étant dupliqué par un poste en réserve, susceptible de remplacer instantanément le premier en cas de panne ou de destruction.

4. Les divers systèmes informatiques de commandement des armées

Le développement des systèmes de commandement se fait sans remettre en cause la structure hiérarchique des armées. À terme, chaque poste de commandement devrait être équipé d’un système plus ou moins spécifique. Bien que la notion de système de commandement soit récente, les réalisations sont déjà nombreuses. Ainsi, dans l’armée de terre, existent ou sont en projet les systèmes informatiques d’armée, de corps d’armée, ainsi que les systèmes divisionnaires, et même régimentaires comme le P.C. Atila (Automatisation du tir de l’artillerie), dont le rôle est de conduire le tir des batteries d’artillerie sol-sol. Les grands réseaux sont également contrôlés par un système de commandement. Ainsi le R.I.T.A. comprend un centre de commandement, le Cecore (Centre de commandement de réseau), chargé de superviser le trafic, de disposer les commutateurs sur le terrain, de choisir les fréquences des liaisons hertziennes, et même de générer automatiquement vers les unités de transmission disposées sur le terrain les ordres nécessités par l’évolution de la manœuvre. Dans la marine, les bâtiments sont équipés de systèmes de commandement appelés S.E.N.I.T. (Système d’exploitation navale des informations tactiques), très divers à la fois par leur taille et par leurs performances. Ces systèmes sont susceptibles de s’interconnecter grâce à une transmission de données normalisées de façon très rigide.

Dans l’armée de l’air, le système le plus connu est le S.T.R.I.D.A. (Système de traitement et de représentation des informations de défense aérienne) qui gère la défense aérienne. Il permet de suivre, à partir d’un poste de commandement, les avions détectés par les radars, de contrôler leurs mouvements et, lorsque cela est nécessaire, de conduire leur interception. L’état-major des armées, quant à lui, vient de mettre en service un système informatique de commandement qui, pour la première fois, est conçu avec des méthodes analogues à celles qui sont utilisées dans les systèmes de gestion informatiques des entreprises. Les matériels employés sont essentiellement des produits civils. Dans la mesure du possible, les logiciels développés pour cette application sont portables pour faire face à l’inévitable renouvellement technologique des machines informatiques. Les standards utilisés sont conformes aux recommandations du C.C.I.T.T. (Comité consultatif international télégraphique et téléphonique) ou aux normes O.S.I. (Organisation de standardisation internationale ou I.S.O.). Les systèmes informatiques de commandement deviennent ainsi comparables à leurs homologues civils.

5. L’interopérabilité

La recherche de l’interopérabilité est devenue une préoccupation majeure des responsables militaires. Ce terme figure dans le mandat d’un grand nombre de groupes d’experts de l’Alliance atlantique. Il est intéressant de préciser cette notion et de chercher à comprendre pourquoi elle est devenue si importante.

Du temps des guerres napoléoniennes, un cheval autrichien était interopérable avec un chariot prussien et la poudre avec tous les modèles de fusils. Par contre, les balles n’étaient pas toutes du même calibre. Les états-majors des alliés ne pouvaient se concerter que grâce à l’échange de détachements de liaison, dont les officiers devaient se faire accompagner d’interprètes. Aujourd’hui, la complexité des matériels militaires rend leur interopérabilité de plus en plus difficile à réaliser. Parfois, les difficultés à surmonter pour l’obtenir semblent être hors de proportion avec les avantages escomptés: facilité d’approvisionnement, entraide entre alliés... Pour leur part, les systèmes informatiques de commandement se développent indépendamment au sein des différents pays, selon les priorités nationales et en respectant l’organisation spécifique des forces armées. Les langages informatiques utilisés, les protocoles de transmission de données, et même les fonctions dont l’automatisation est décidée n’ont aucune raison d’être identiques. L’échange de données entre les postes de commandement équipés de ces systèmes risque de devenir très difficile, voire impossible.

Pour réaliser leur interopérabilité, il faudra mettre au point des passerelles complexes qui soient le plus souvent supervisées par des officiers d’état-major chargés de contrôler la nature des échanges. Celles-ci seront capables de traduire les messages émis par l’un des systèmes dans le code de l’autre. Cela sera d’autant plus difficile que les langages utilisés sont le plus souvent assez spécifiques à l’application et, contrairement à l’allemand ou l’anglais, ne sont pas enseignés dans les écoles. Le développement des systèmes informatiques de commandement étant encore très récent, les projets menés au sein d’une même nation sont souvent conduits indépendamment les uns des autres. L’interopérabilité entre les systèmes des différentes armées ou destinés, au sein d’une même armée, aux postes de commandement correspondant aux différents niveaux hiérarchiques n’est pas facile à réaliser. L’évolution très rapide de l’informatique, dont les progrès ne semblent pas se ralentir, impose des mutations techniques et technologiques qui ne permettent pas toujours de conserver la compatibilité ascendante des machines, que les constructeurs s’efforcent pourtant d’assurer. Cela pénalise particulièrement les systèmes militaires, peu utilisés en temps de paix, et donc conservés beaucoup plus longtemps que leurs homologues civils.

6. L’importance opérationnelle des systèmes informatiques de commandement

Les progrès des télécommunications et de l’informatique ont profondément modifié notre attitude vis-à-vis de l’information. Autrefois, les nouvelles des pays lointains ou les comptes rendus des travaux scientifiques ne se propageaient que lentement et souvent de façon incomplète dans la société. Aujourd’hui, nous recevons en permanence une énorme quantité d’informations de toute nature.

Dans les systèmes de commandement, on note une évolution comparable. Les senseurs sont de plus en plus performants. Les radars fournissent des indications de plus en plus précises sur les cibles. L’interception sur le champ de bataille d’un nombre toujours plus grand de signaux électromagnétiques est une source de renseignements de plus en plus précieux sur les systèmes ennemis. Les satellites, les avions de reconnaissance équipés de radars ou de capteurs infrarouges et les drones recueillent un volume d’information toujours plus important.

Les réseaux de télécommunications permettent de transmettre presque instantanément ce flux de renseignements dans les postes de commandement. Là comme ailleurs, trier toutes les données disponibles en vue de prendre les meilleures décisions devient une tâche essentielle. La qualité du commandement, c’est-à-dire l’efficacité des forces, sera liée aux performances des systèmes informatiques de commandement. Ces derniers constituent donc un enjeu stratégique dont l’importance n’échappe à personne. La victoire peut être beaucoup plus facilement remportée contre un adversaire mal commandé ou même fortement désorganisé.

La neutralisation des systèmes informatiques de commandement, qui correspond au concept anti-C 3 des Anglo-Saxons, devient donc une priorité dans la conduite des opérations militaires. L’effet souhaité sera obtenu par brouillage des télécommunications ou par tentative d’intrusion dans les transmissions de données ou encore par destruction des postes de commandement.

Tous les efforts faits par l’armée pour maîtriser le développement de son propre système informatique de commandement et pour être capable, en cas de conflit, de neutraliser celui de l’adversaire montrent, si cela était encore nécessaire, le rôle fondamental du commandement dans la conduite des opérations militaires.

7. Les recherches en commandement aux États-Unis

De nombreuses recherches sont faites dans le cadre de l’Initiative de défense stratégique (I.D.S.; S.D.I., Strategic Defense Initiative). L’activité de recherche concernant la gestion de la bataille, le commandement, la conduite des opérations et les communications [C.C. (Command Center)S.O.I.F. (System Operation and Integration Functions)] consiste à développer et à valider expérimentalement les architectures et les technologies capables de produire des systèmes C.C.S.O.I.F. à réponse rapide, fiables, dotés de bonnes capacités de survie, d’une grande longévité et de bon rapport coût/efficacité.

Pour coordonner un système de défense multicouche complexe et imperméable aux attaques de missiles balistiques tel que le prévoit l’I.D.S., le système C.C.S.O.I.F. doit faire face à d’importants défis techniques. Les satellites de surveillance, les détecteurs aéroportés et les radars au sol doivent localiser les cibles et communiquer les informations de poursuite au dispositif de gestion de la bataille. Ce dernier traite les informations et communique les affectations de cibles aux armes basées dans l’espace et au sol. Les affectations de cibles doivent être faites de manière à maximiser l’efficacité des actions entreprises. Les éléments de surveillance et les armes fournissent des informations qui doivent être évaluées pour déterminer les destructions et les dommages de manière à pouvoir réattaquer les cibles, si nécessaire. Les activités et l’état des éléments spatiaux, aériens et terrestres du système doivent être surveillés et contrôlés par des niveaux de commandement bien définis, aboutissant à l’autorité de commandement national. De nombreux experts pensent que ce système de gestion de la bataille sera très difficile à mettre au point et que sa faisabilité est un des paris techniques les plus contestables de l’I.D.S.

La recherche C.C.S.O.I.F. est structurée en deux projets: celui des systèmes expérimentaux et le projet relatif à la technologie. Le premier évalue les concepts C.C.S.O.I.F. développés dans le cadre des architectures de systèmes et valide expérimentalement ces concepts en développant des versions prototypes pour tester la configuration tactique du système. Le projet « Technologie » développe les diverses technologies nécessaires au système C.C./S.O.I.F.

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Поможем решить контрольную работу

Regardez d'autres dictionnaires:

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”